Expériences d’enfants atteints de TDAH qui quittent l’école et suivent des cours à domicile ou se déscolarisent
Ces enfants et leurs parents gèrent mieux le TDAH en étant déscolarisé.
Publié le 9 septembre 2010 par Peter Gray dans Freedom to Learn (la liberté d’apprendre)
Il y a plusieurs semaines, j’ai procédé à un appel à témoignages concernant les enfants atteints de TDAH (Trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité) et qui sont déscolarisés, suivent des cours à domicile ou sont dans des écoles « libres ». J’ai reçu 28 témoignages et je les ai examinés à travers une analyse qualitative.
Mon analyse indique premièrement que la plupart des enfants qui sont atteints de TDAH s’en sortent bien sans médicaments quand ils ne vont pas à l’école. Deuxièmement, les signes de TDAH ne disparaissent pas quand ces enfants quittent l’école, mais ils ne posent plus autant de problèmes qu’avant. Troisièmement, ces enfants semblent réussir particulièrement bien quand on leur permet d’être en charge de leur propre éducation. Je vais maintenant élaborer et défendre chacune de ces conclusions en me basant sur les citations des témoignages. Mais pour commencer voici quelques chiffres provenant de ces témoignages et de ceux qui les ont écrits.
Sur les 28 témoignages :
– 19 concernaient des garçons et 9 des filles.
– 26 ont été écrits par un parent ayant un enfant atteint de TDAH ; les deux autres ont été écrits respectivement par un jeune homme atteint lui-même (il a maintenant 24 ans) et par la grande sœur d’une personne atteinte.
– 24 concernaient des enfants diagnostiqués du TDAH après un examen clinique.
Les quatre autres concernaient des enfants diagnostiqués par des médecins ou par le corps enseignant mais dont les parents ont choisi d’ignorer le diagnostique officiel même s’ils étaient d’accord avec le fait que l’enfant en présentait tous les symptômes.
Voici maintenant trois conclusions accompagnées des citations qui ont conduit à les établir.
Première conclusion : La plupart des enfants sous traitement médicamenteux contre le TDAH pendant qu’ils étaient à l’école ont cessé le traitement après avoir quitté l’école, et ceux qui n’ont jamais été à l’école n’ont jamais pris de médicaments.
Des études ont souvent démontré que la plupart des enfants qui vont à l’école et souffrent de TDAH prennent des stimulants (inhibiteurs de recapture de la dopamine) comme traitement. [1] Ce n’est pas le cas pour cet échantillon d’enfants atteints de TDAH qui évolue en dehors de l’école. Dans cet échantillon représentatif, sur 28 enfants, 13 n’ont jamais pris de traitement (pour la plupart des enfants qui n’ont jamais été à l’école ou qui ont quitté l’école peu après le diagnostique), 9 ont suivi un traitement au moins pendant une période lorsqu’ils étaient dans une école publique mais ont arrêté après avoir quitté l’école et seulement 6 (21 % de l’échantillon) prenaient des médicaments au moment où le témoignage a été écrit.
Sur les six qui suivaient un traitement lorsque le témoignage a été écrit, l’un prenait du Strattera (un inhibiteur de recapture de la dopamine), un autre venait juste de commencer son premier cours à domicile et prenait du Vyvance (un stimulant) et les quatre autres prenaient encore des stimulants même s’ils suivaient un enseignement à domicile depuis déjà un an ou plus.
Voici quelques commentaires concernant les enfants qui ont été retirés des écoles et ne prenaient plus de stimulants. (Chaque commentaire marqué d’une puce concerne un enfant différent. Les nombres entre parenthèses correspondent au numéro de témoignage dans mes notes) :
- (#13) : «Nous avons décidé (quand il était en CE2) de passer du Strattera à l’Adderall. Nous le lui avons administré à des doses différentes sans obtenir le résultat escompté. Alors nous avons essayé le Vyvanse et le Concerta à des doses différentes. Ils n’avaient tout simplement aucun effet sur lui. Il semblait y avoir une amélioration à court terme ou du moins une légère amélioration, mais cela ne résolvait pas le problème. Son anxiété devenait paralysante, donc évidemment, on a fini par lui donner du Prozac… Nous en sommes arrivés exactement là où nous ne voulions pas : avoir un enfant drogué juste pour qu’il puisse rester à l’école. … Il était exclu de la classe quotidiennement pour perturbation : il faisait du bruit, interrompait les enseignants, demandait à partir. Son éducateur spécialisé et lui se disputaient en permanence. Après un programme de suivi personnalisé particulièrement raté (en janvier 2009), nous avons décidé d’arrêter. Nous avons terminé l’année en lui faisant cours à domicile et il a fait plus de progrès en trois mois qu’en trois ans d’école publique traditionnelle. Nous avons continué avec les médicaments environ un mois de plus avant d’arrêter.
- (#23) : « Mon petit frère a été mis sous traitement pour le TDA dès l’âge de sept ans parce qu’il n’arrivait pas à se concentrer à l’école ou pendant ses cours d’arts martiaux. J’ai vu sa personnalité se détériorer immédiatement après avoir commencé le traitement mais sa capacité à fonctionner dans un cadre d’apprentissage structuré s’est améliorée. Quand il a atteint l’âge de 15 ans, même s’il avait arrêté de prendre les médicaments, il s’est rendu compte que, pendant des années, il avait eu des délires paranoïdes à cause des médicaments et il l’a fait savoir. Quand il avait 10 ans, il était terrifié à chaque fois qu’il prenait sa douche car il pensait que des terroristes empoisonnaient l’eau. Mon frère était moins perturbateur avec le traitement mais il n’a jamais excellé à l’école jusqu’aux deux dernières années de lycée, lorsqu’il est rentré dans une école privée basée sur le modèle de Sudbury Valley. C’est maintenant un excellent musicien, il va à l’université et il n’a plus jamais eu de problèmes d’hallucinations ou de paranoïa. Il déteste les médicaments qu’on lui a fait prendre et encore aujourd’hui, il est toujours très en colère»
- (#7): « À l’âge de huit ans et demi, nous avons décidé d’essayer l’Adderall car il avait du mal à se concentrer et à apprendre. Il a souffert d’une dépression sévère à l’âge de 10 ans (pendant qu’il prenait l’Adderall). D’autres médicaments ont été ajoutés à son traitement. Avec chaque médicament, son état semblait s’améliorer pendant quelques mois puis empirait. Lorsqu’il y avait un effet secondaire à cause d’un médicament, on lui en prescrivait un autre pour combattre l’effet secondaire… À cause de l’Adderall, il a développé une carence en vitamine B12. Par conséquent, il avait des comportements obsessionnel-compulsifs et nous avons été obligés de lui injecter de la vitamine B12. Par la suite (après avoir modifié son régime alimentaire et éliminé les toxines), nous l’avons sevré de l’Adderall. Il n’y a alors eu aucune différence sur sa concentration ou son activité. Il va bien depuis. Nous continuons à lui faire cours à domicile. C’était tout simplement la meilleure chose que nous puissions faire pour notre enfant. Il a maintenant 16 ans et a l’intention d’aller à l’université.»
- (#22): « À partir du CM1 (cette fois-ci il s’agit d’une école privée avec un programme avancé), ses sept enseignants VOULAIENT qu’elle soit examinée. Nous avons essayé le Ritalin pendant quelques mois ; il n’a fait que la transformer en zombie docile le jour qui voulait travailler encore plus dur la nuit pour apprendre davantage. Au printemps, ils nous ont convoqué pour une réunion et remboursé notre acompte pour l’année suivante… Ils étaient tous d’accord pour dire qu’elle perturbait les cours car elle était capable de tout sauf d’écouter. »(La suite de l’histoire montre la réussite de l’enseignement à domicile sans traitement car elle a été acceptée dans une université pour préparer une licence).
- (#1): « Et maintenant que nous lui faisons cours à domicile (il est épanoui sur le plan académique, social et comportemental), tout traitement est exclu. Nous sommes très satisfaits des cours à domicile : nos vies ont vraiment changé pour le meilleur et nous avons retrouvé notre fils. »
- (#2): À propos d’un garçon qui avait essayé différents médicaments en CE2 et CM1 après une première expérience de cours à domicile sans médication) : « Nous l’avons retiré de l’école pour recommencer l’enseignement à domicile. J’ai arrêté de lui donner les médicaments pour pouvoir évaluer son comportement. Les choses se sont améliorées tellement vite que je n’ai jamais recommencé le traitement avec les stimulants. »
- (#14): «Quand j’étais enfant, à l’âge de cinq ans, on m’a diagnostiqué un TDAH. J’ai été mis sous Ritalin et j’ai continué le traitement jusqu’à l’âge de 11 ans. Après avoir arrêté le traitement, mes parents ont constaté que j’étais moins énervé, généralement plus épanoui dans mon environnement et moins enclin aux crises de colère. À la fin du CM2, mes parents ont choisi de me faire cours à domicile. J’ai suivi des cours à domicile de la 6ème à la seconde (sans traitement) et pendant cette période, j’ai redoublé d’efforts en maths et j’ai obtenu les meilleures notes à tous mes tests. Je pouvais étudier ou bouger à mon gré. (…) Puis au début de la première, je suis retourné au lycée (mais je ne participais pas à tous les cours). (…) Puis j’ai recommencé à prendre un dérivé du Ritalin. On a essayé pendant un mois et les effets ont povoqué une sévère dépression. Après un mois, j’ai arrêté le traitement et il n’a plus été question d’entendre parler de médicaments… Maintenant j’ai 24 ans, je suis marié et sur le point d’être papa. Je suis rentré à l’université après mon année de terminale (…) et j’ai rejoint l’armée. J’ai constaté que je suis plus calme maintenant comme jamais. J’ai toujours des pulsions qui, d’après moi, ne sont pas forcément mauvaises car elles me poussent à dire ce que je pense et à exprimer mon opinion à chaque fois que j’en ai l’occasion. Dans l’ensemble, je suis heureux. J’adore ma vie, ma femme et ma famille. »
Pour contraster avec ces témoignages, ceux qui ont gardé leur enfant sous traitement après avoir commencé l’enseignement à domicile ont trouvé que le traitement a été très utile. Voici les commentaires les plus positifs en faveur des médicaments :
- (#6): « Nous avons essayé Concerta, mais il est devenu fou. Finalement nous avons essayé Strattera (un médicament non stimulant prescrit pour le TDAH, c’est un inhibiteur de recapture de la noradrénaline) qui a été très efficace. Il prend maintenant le temps de réfléchir avant d’agir et il fait de meilleurs choix. Il n’a plus de crise de nerfs, ne jette plus les choses, ne frappe plus, il n’est plus imprudent. »
- (#10): « Sans traitement, elle est inattentive, se montre insolente et désagréable. Avec le traitement, elle est productive, amusante et douce. L’effet secondaire dont elle souffre est le manque d’appétit. Nous devons donc être très créatifs pour lui faire ingérer suffisamment de calories mais on y arrive facilement et nous sommes contents des progrès qu’elle a fait sur le plan social et académique durant ces trois ans d’enseignement à domicile. »
- (#27): « Une fois que le stimulant Focalin XR-a a commencé à faire effet, tout a changé. Non seulement, il comprenait les concepts, mais en plus, il s’en souvenait. Il a bouclé un programme de mathématiques d’une durée de trois ans en six mois. Il commencera à aller au lycée en automne avec plus de 20 heures de crédits validés sur son diplôme secondaire en poche et une mention très bien en sciences (obtenue pendant ses années d’enseignement à domicile). Il redevient l’enfant brillant qui ne faisait que de brèves apparitions avant le traitement. »
Deuxième conclusion : Le comportement des enfants, leur humeur et leur capacité à apprendre s’améliorent souvent lorsqu’ils arrêtent l’école. Ce n’est pas parce que les symptômes du TDAH disparaissent, mais parce qu’ils sont alors dans une situation où ils peuvent apprendre à gérer ces symptômes.
Seulement deux ou trois personnes interrogées ont rapporté que les comportements dûs au TDAH avait disparu lorsque l’enfant avait quitté l’école. La grande majorité a rapporté ou sous-entendu que les symptômes ne disparaissaient pas mais n’étaient plus aussi problématiques, surtout parce qu’en dehors de l’école, l’enfant pouvait être actif et autonome sans se montrer perturbateur et avait l’opportunité d’apprendre à gérer les caractéristiques de sa personnalité.
Voici quelques citations pertinentes :
- (#16): « Il apprend bien tant qu’il est en mouvement. J’ai l’impression que dans un cadre collectif, le problème serait toujours de réussir à le faire tenir en place. Là, il devrait rentrer en 4ème dans une école publique locale, mais il travaille sur des cours de deuxième année de licence et a même obtenu une équivalence. Il apprend seul l’allemand et le latin parce que ça lui plaît. Je n’ai aucune envie de réfréner son envie d’apprendre en le forçant à s’asseoir sans bouger ! Il est bien intégré socialement et se comporte correctement. Cependant, quand il est avec d’autres enfants atteints de TDAH, nous avons remarqué que leurs comportements ont un effet boule de neige. »
- (#17): « C’est une excellente autodidacte. Parfois, elle a peur d’avoir du retard. Elle va sur internet ou lit des livres qui reprennent ce qu’elle est censé savoir et les dévore. Il y a trois ans, elle avait un niveau de lecture de 4ème en CE2, donc elle a environ le niveau lycée en lecture. En temps normal, son comportement est excellent. Parfois, elle a des accès d’exubérance qui peuvent être à la fois irréfléchis et difficiles à contrôler, comme courir dans la maison en hurlant la nuit.
- (#18): « Je pense que pour mon fils, le vrai bénéfice de l’enseignement à domicile a été le développement de sa sociabilité. C’est vraiment quelqu’un de bien, à la fois gentil et empathique. Je ne vois simplement pas comment il aurait pu apprendre à socialiser dans une école où on le poussait à se sentir incapable tous les jours. »
- (#12): À propos d’un garçon qui a commencé l’école à domicile après avoir été diagnostiqué du TDAH, d’un trouble du traitement sensoriel et d’un trouble envahissant du développement à l’âge de cinq ans) : «Aujourd’hui (à presque 16 ans), c’est un jeune homme éloquent, ouvert et confiant. Il ne prend aucun médicament, n’a aucun comportement étrange et impressionne tous les adultes qu’il rencontre. Sa méthode d’apprentissage serait impossible à maîtriser en classe. Tout ce qui concerne la réparation des voitures aux climatiseurs est presque inné pour lui… »(La personne qui a écrit continue à décrire comment son fils se prépare à sa future carrière dans le commerce et dans un magasin d’antiquités à travers l’apprentissage. Cette approche n’aurait pas été possible à l’école.)
- (#13): « Son anxiété a disparu [depuis qu’il a quitté l’école publique et commencé l’apprentissage à domicile]. En ce qui concerne l’école, il a vraiment des difficultés à faire son travail. Il se déconcentre effectivement facilement… Il est toujoursimpulsif et capricieux, mais nous pouvons nous en occuper bien mieux que l’école ne pouvait le faire. Nous nous faisons donc tous moins de soucis. Il suit des cours organisés par des associations locales ou des musées et a toujours des difficultés à prêter attention aux professeurs, mais il y arrive mieux maintenant qu’il n’est plus en classe toute la journée. »
- (#20): « Comme je l’ai déjà mentionné, les relations de mon fils avec ses amis sont toujours volatiles. Il aime leur compagnie, mais sa tendance à s’énerver ou à être hyperactif génère souvent des frictions et il finit assez souvent par se fâcher avec eux. Ne plus aller à l’école lui permet de s’extirper de ce genre de situations quand elles se produisent, rentrer à la maison et y réfléchir, en parler et ne pas tomber dans l’engrenage de la colère et du ressentiment, ce qui serait le cas s’il était avec eux toute la journée. Il en apprend sur la vie, sur les aptitudes à la vie quotidienne et surtout à devenir un adulte heureux et accompli »
- (#24): « … Ses années de maternelle à l’école publique ont été un désastre. (…) Lorsqu’elle était en CM1, nous avons fini par suivre les conseils de son professeur et l’avons emmenée voir un psychologue qui lui a diagnostiqué un TDAH et lui a prescrit du Metadate. Nous avons essayé pendant environ une semaine et les résultats des tests ont montré une amélioration notable en ce qui concerne sa mémoire à court terme (de 0/10 à 5/10 à l’un des tests, par exemple). Nous n’avons cependant pas pu nous résoudre à continuer le traitement : elle restait éveillée très tard le soir, avait un regard vitreux, a développé des petites rougeurs sur les cuisses, etc. À la place, nous l’avons inscrite en CM2 dans une autre petite école primaire privée. L’école compte environ 14 ou 15 enfants et fait penser à une grande famille… La retirer de l’école publique a été la meilleure décision que nous ayons prise… Et pour nous, en tant que parents : avant d’abandonner l’école traditionnelle pour le monde de l’enseignement alternatif, nous n’avions pas l’impression d’avoir un enfant mais plutôt un condensé de problèmes sans les solutions. Ce n’est plus le cas. »
- (#28): « Nous avons commencé l’enseignement à domicile à la maternelle. Ça a été un désastre. S’asseoir 10 minutes par jour pour une leçon s’apparentait à devoir s’arracher une dent. Elle pleurait et criait qu’elle détestait l’école. « Tu détestes les histoires ? » Non. « Tu détestes les jeux ? » Non. « Qu’est-ce que tu détestes ? » M’ASSEOOOOOIR !!! (Gémissement). J’ai persévéré pendant la maternelle, mais n’avais fait aucun progrès après un an d’efforts. En CP, j’ai modifié un peu ma méthode et l’ai laissée faire des choses comme jouer aux Légos, gribouiller, « coudre » pendant que nous lisions. Ça a été un peu mieux… Mais en CE1, j’ai abandonné. Elle n’apprenait pas à lire. (…) Et puis un jour, je l’ai trouvée en train de lire les Chroniques de Narnia. Ça a fait tilt, autour de l’âge de 8 ans. (…) Elle fait toujours d’horribles fautes d’orthographe et parfois, elle est toujours déchainée en groupe. Elle s’excite facilement, fait la comédie et il arrive qu’elle effraye un peu les autres enfants… Plus je la connais et plus je trouve bizarre qu’on désigne ces enfants comme « ayant des difficultés d’apprentissage » Elle fait très facilement des choses que d’autres enfants trouvent si difficiles : formuler les problèmes en mathématiques, trouver des solutions complexes aux problèmes, se montrer créative dans leur résolution, avoir un point de vue unique sur un livre qu’elle a lu. Les choses qui sont difficiles à ENSEIGNER. Par contre, elle a beaucoup de mal avec les choses basiques, simple à corriger… Calculatrice et correcteur d’orthographe sont nécessaires ! »
Conclusion 3 : Beaucoup de ces enfants semblent avoir un grand besoin d’autonomie dans leur éducation, et beaucoup s’impliquent complètement sur les tâches qui les intéressent.
Un employé de l’une des écoles du modèle Sudbury m’a envoyé un e-mail avec ce commentaire intéressant concernant les enfants diagnostiqués du TDAH avant de rejoindre l’établissement :
« Le TDAH s’applique à deux catégories très différentes d’enfants : l’une des catégories souffre d’un vrai « trouble de l’attention ». Ces enfants pour la plupart se consacrent totalement à ce qu’ils veulent faire. Ils poursuivent leurs activités ; à plusieurs si celles-ci intéressent d’autres enfants, et seuls s’ils sont absorbés par quelque chose qui ne suscite pas l’intérêt des autres. On les désigne comme souffrant du Trouble du déficit de l’attention (TDA) non pas parce qu’ils ne peuvent pas montrer de l’attention, mais parce qu’ils ne savent pas gérer l’ennui qui leur est imposé… L’autre catégorie est simplement tellement active que c’est problématique lorsqu’il faut obtenir le calme. Ces enfants se retrouvent parfois éjectés des comités scolaires et des réunions de l’école quand ils ne peuvent pas se contrôler, et ils ont généralement été fichés comme éléments perturbateurs depuis des années. Un environnement qui ne requiert pas trop de calme (la plupart de ces enfants peuvent, la majorité du temps, courir et chahuter en s’en donnant à cœur joie sans nuire à personne) allié à un comité scolaire équitable qui les aide à discerner le temps et l’espace minimise le problème. Les enfants prennent conscience du sens de la justice, du temps et du lieu, ce qui leur apprend et leur permet de développer une capacité à s’adapter quand il faut rétablir le calme.
Parmi l’échantillon d’histoires que j’ai reçues, beaucoup d’enfants semblent clairement appartenir à la première catégorie. Il semble s’agir d’enfants qui ont encore davantage besoin d’autonomie dans leur éducation que les autres. (Si vous lisez régulièrement mon blog, vous connaissez ma position sur les enfants qui apprennent mieux lorsqu’ils sont en contrôle de leur éducation plutôt que lorsque quelqu’un d’autre s’en charge). Ainsi, il n’est pas surprenant que les quelques enfants parmi cet échantillon qui étaient toujours sous traitement pour TDAH pendant l’enseignement à domicile étaient principalement ceux pour qui l’enseignement était encadré par le parent et fondé sur le modèle du système éducatif national.
Un certain nombre de citations que j’ai déjà présentées font allusion au besoin que l’enfant atteint de TDAH aurait de contrôler sa propre éducation. En voici quelques autres :
• (#3): « Elle choisit ses propres sujets et ses supports de cours tous les jours … Elle apprend bien mieux si quelque chose l’intéresse vraiment et l’absorbe complètement. Il se peut qu’elle s’intéresse au hasard à des choses différentes et en apparence sans aucun rapport, puis qu’elle les assemble en un seul grand projet sur lequel elle va travailler pendant un mois. »
- (#5): « Il semble s’agir d’un point intéressant. Si quelque chose retient son attention, il va rester concentré et attentif pendant de longs moments, sinon il commence à avoir la bougeotte. Par exemple, un club de robotique avait un stand à la conférence de notre école, et ils avaient un robot. Mon fils serait resté poser des questions sur le robot tout l’après-midi si je ne l’avais pas forcé à partir. »
- (#19): « Nous l’avons déscolarisé depuis plusieurs années maintenant. Il a 11 ans. Il est dynamique et turbulent parfois, mais trouve souvent un centre d’intérêt qui va retenir son attention pendant des heures. Le seul moment où son attitude correspond au diagnostic du TDAH, c’est quand il s’ennuie, ne trouve rien qui l’intéresse ou il sera particulièrement turbulent après avoir été assis pendant de longs moments (qu’il soit occupé ou qu’il s’ennuie pendant qu’il est assis n’y change rien). »
- (#20): « Après un certain temps d’enseignement à domicile, apprendre lui est devenu impossible. Son angoisse est devenue telle que nous nous sommes résignés à le laisser prendre des anxiolytiques, ce qui a été le cas pendant quelques mois… C’est alors que je suis tombé(e) sur l’auto-apprentissage/la déscolarisation et je n’ai plus regardé en arrière ! Tout est devenu évident. Mon fils choisit ce qu’il veut apprendre, il décide lui-même quand et comment il l’apprendra ; il a appris à définir ses propres limites en plus d’être responsable de sa propre éducation. Si quelque chose l’intéresse, nous lui facilitons la tâche et lui donnons les ressources, les moyens et l’emmenons là où il trouvera ce dont il a besoin. En ce moment, il est passionné par l’informatique musicale. (…) Il a composé des morceaux fantastiques. Il a trouvé une variété de choses qui le font vibrer. Il a développé lui-même des intérêts qui lui évitent de passer par les institutions. Il est sensé et sait mieux que nous quels choix faire. L’année dernière, quand tout était si noir et si déprimant, je n’aurais jamais cru qu’un an plus tard, tout paraitrait si rose et si fascinant puisque nous découvrons seulement maintenant ce que c’est que de donner à notre enfant la liberté d’être lui-même. »
- (#22): «Notre enseignement à domicile a commencé avec un programme imposé qu’elle détestait suivre. Elle voulait juste lire tout le livre d’histoire… La fragmentation et l’analyse des connaissances qu’implique le programme l’a toujours irritée. Nous avons opté pour la déscolarisation et tout s’est réglé. (…) Le « problème »,c’ est qu’elle aime apprendre, veut aller à son propre rythme (vite), ignorer certains sujets tout en se concentrant sur d’autres, et se plonger dans des choses spécifiques qui n’intéressent personne d’autre de son âge »
- (#21): « Nous avons commencé à la déscolariser il y a environ quatre ans. ( …) Aujourd’hui elle a 14 ans et demi… Elle est créative, responsable, drôle. Elle n’a aucun problème pour lire et utilise les mathématiques dans la vie de tous les jours. (…) Elle ne montre aucun signe des problèmes que l’école du quartier voyait en elle quand elle avait 9 ans. // Elle était dans une classe nombreuse et chaotique avec plusieurs enfants qui nécessitaient un suivi personnalisé. L’école expérimentait pour la première fois « les maths tous les jours » (ce que j’ai rebaptisé « les pleurs tous les jours ») et les livres qui étaient donnés aux enfants étaient, de mon point de vue, ennuyeux. Les contrôles la rendaient anxieuse et elle était hypersensible au bruit et aux odeurs de l’école, particulièrement à la cantine. // Depuis qu’elle reste à la maison, elle s’est tout simplement épanouie. Les gens qui la connaissent ont du mal à croire qu’on ait pu un jour mettre en doute son intelligence ou sa capacité à se concentrer. Elle est plus futée et plus responsable que beaucoup d’adultes que je connais. »
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Avant de conclure, je dois préciser qu’il s’agit évidemment seulement d’une étude préliminaire. Cependant, d’autant que je sache, c’est la seule étude qui a été réalisée à ce jour concernant les capacités des enfants touchés par le TDAH à apprendre et à surmonter leurs difficultés sans médicaments en dehors d’un cadre scolaire conventionnel. J’espère que cette étude préliminaire attirera l’attention des chercheurs et qu’elle mènera à des études plus officielles et à plus grande échelle. Notre culture nous habitue tellement à penser aux écoles comme à un environnement normal pour les enfants que nous pensons rarement ne serait-ce qu’à la possibilité pour ceux-ci de bien apprendre et évoluer autrement. Je suis très reconnaissant à ceux qui ont répondu à mon appel et pris le temps de m’écrire si précisément leurs expériences avec un enfant atteint de TDAH.
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Remarques
[1] Voir, par exemple, Mayes et al (2009), Medicating Children (Traiter les enfants) : ADHD and Pediatric Mental Health (Le TDAH et la Santé Mentale Pédiatrique) – (Harvard University Press).
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Peter Gray, docteur, professeur et chercheur au Boston College et auteur du livre récemment publié « Free to Learn » [« Libre pour apprendre »] (Basic Books) et « Psychology » [« Psychologie »] (un livre de texte en 6ème édition).
D’autres articles de Peter Gray en anglais:
www.psychologytoday.com/blog/freedom-learn
Livre en anglais « Free to Learn »:
www.freetolearnbook.com
Article original en anglais: www.psychologytoday.com/blog/freedom-learn/201009/experiences-adhd-labeled-kids-who-switch-conventional-schooling-homeschool
Traduction: Noémie Ahipo et Armelle Sommier
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